Bukavu
est l’une des villes de la République démocratique du Congo où l’on remarque un
taux démographique croissant. Située à l’Est du pays et partageant ses limites
avec, en plus du territoire rwandais voisin, les principaux territoires du Sud
et du Nord-Kivu entre lesquels se font de manière fréquente les échanges
commerciaux ; il s’observe un mouvement incessant des populations. Avec
ses trois communes de Kadutu, de Bagira et d’Ibanda, les principales
institutions provinciales étant localisées dans cette dernière, un circuit de
transport public s’organise afin de faciliter l’accès au centre ville des
personnes et des biens. Cependant, l’organisation du transport public des
personnes dans la ville laisse à désirer.
Nous
sommes à la Place dite ''Carrefour'' en commune de Kadutu, lieu de partance des bus
amenant les gens à Nyawera et à Nguba dans la commune d’Ibanda. Une file des minibus
rangés selon l’ordre de réception des usagers est remarquable ; nous
décidons de prendre place au sein de l’un d’entre eux. Dix-huit places y sont disponibles
selon les quatre sièges y installés en plus de deux places à côté du
conducteur. Après avoir tenté en vain d’occuper les sièges à quatre places
situés derrière le conducteur, l’on nous signale de nous placer au siège avant.
Ce n’est pas parce que nous sommes des clients potentiels car nous tous payons
le même ticket, seulement parce que la hauteur du bus ainsi que l’espace entre
deux sièges ne sont pas proportionnels à notre taille. Ceux qui y sont assis
restent immobilisés pendant tout le trajet selon que l’une des quatre personnes assises sur le même siège
soit de taille un peu plus supérieure ou qu’elles soient obligées de
partager cette minime place avec le convoyeur du minibus; parfois on signale au
conducteur qu’il doit s’arrêter un instant car l’un des passagers attrape une
crampe. D’autres se heurtent la tête contre le fond du minibus à la traversée
imprévue des dos d’ânes et fossés créés par le mauvais état de certaines
parties de la route. Je remarque, depuis que le véhicule a démarré, un bidon
jaune déposé à côté du levier de vitesse. Quelle ne fut ma stupéfaction
lorsqu’arrivé à la station, pour s’approvisionner en carburant, le
conducteur retira le bidon afin qu’on y verse de l’essence. C’était en fait le
réservoir du véhicule et non pas un bidon de lait pour servir aux gentils
passagers. On doit, tout au long du parcours, supporter l’air mélangé à l’odeur
de l’essence avec le risque d’attraper une migraine avant l’arrivée à destination.
Tous
les ingrédients pour produire un accident de circulation sont au rendez-vous.
Si le klaxon fonctionne bien, c’est le démarreur qui présente des défauts.
Conséquence, à chaque arrêt pour déposer ou prendre un passager, il faut
solliciter de l’aide aux passants pour pousser le véhicule afin d’activer un
mécanisme aussi très compliqué de démarrage. On peut facilement être retardé de
quelques minutes parce que le moteur cède, parce que les clignotants ne
fonctionnent pas quand il faut signaler à un autre véhicule le sens pris ;
on peut frôler un accident parce que les rétroviseurs ne sont plus bien fixés, sont
absents ou parce que le système de freinage est désintégré. Les malades cardiaques
peuvent rechuter en un instant suite au ronronnement du moteur qui produit un
bruit à plusieurs décibels, pareil à celui d'un hélicoptère. Et à la fin, il n’y a pas de plainte à
formuler, ni au conducteur, ni à son convoyeur. Parfois leur réponse se trouve
apposée, en langue swahili, sur un autocollant situé au pare-brise :
« Kama uko haraka, shuka ukimbiye », « Kama utasema mingi, nunua
ya kwako » avec une traduction approximative en français « Si tu es pressé, tu
peux descendre et courir », « Si tu te plains, achètes-toi un (véhicule) ». On ne peut pas non plus se plaindre devant les policiers de
roulage ; ils n’arrêtent ces véhicules que pour des formalités superficielles
au lieu de vérifier l’état du véhicule. Les autres axes urbains ne sont pas
exemptés de ce constat ; nos sources renseignent qu’on peut toucher le sol
à partir des ouvertures créées par la vétusté des bus empruntant l’axe
Essence-Panzi. On peut, par mauvais état de la route, trouver refuge dans un
minibus et contracter un rhume à l’arrivée suite à l’entrée facile de la
poussière ; on peut s’habiller décemment et, si un morceau de fer n’a pas
déchiré l'habit, on risque d'arriver à destination étant plein de boue. Une voiture peut
transporter huit personnes en plus du conducteur, dans l’axe Place de
l’indépendance-Hôpital Dr RAU, contrairement aux quatre prévues. Ces fais
s’inscrivent dans une pratique contraire à la règlementation routière selon la
loi n°78/022 du 30 août 1978 portant Nouveau code de la route telle que
modifiée en 2004 et selon le droit de l’Organisation pour l’Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires (OHADA), notamment son Acte uniforme traitant des
transports des personnes et des biens.
Quelqu’un
qui n’a pas encore fait usage de ce
fameux moyen de transport ne comprendrait facilement cette version des faits
que si on le lui dit image à l’appui.
Le taux des victimes des accidents de la route n’a
pas cessé de croître ces dernières années. Les vieilles personnes et les
enfants sont les plus touchés.
Intérieur d'un minibus, avec un bidon en plastique comme réservoir d'essence, reliant la Place Carrefour à la Place Munzihirhwa (Image Emmak - Février 2014) |
Les
populations lancent un cri d’alarme aux autorités en vue de pallier à cette
situation qui du reste n’est pas récente. Elles demandent aux policiers de
roulage de procéder aux vérifications des documents de contrôle technique et de
transférer les cas de non-conformité aux autorités compétentes pour des
sanctions consistantes. Pour emprunter les termes de la loi portant nouveau
code de la route, « Faut-il faire des efforts pour contrecarrer les
maladies et les épidémies, mais tolérer
des massacres sur les autoroutes ? »
Les
efforts des autorités urbains devraient s’orienter également vers ce secteur
presqu’abandonné aux privés qui y imposent leur loi. Construire des infrastructures routières est positif, faut-il encore prévenir
des accidents.
Par Emmanuel AKUZWE BIGOSI
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