vendredi 27 juin 2014

TRANSPORT PUBLIC A BUKAVU: UN DANGER AU QUOTIDIEN POUR LES HABITANTS.

Bukavu est l’une des villes de la République démocratique du Congo où l’on remarque un taux démographique croissant. Située à l’Est du pays et partageant ses limites avec, en plus du territoire rwandais voisin, les principaux territoires du Sud et du Nord-Kivu entre lesquels se font de manière fréquente les échanges commerciaux ; il s’observe un mouvement incessant des populations. Avec ses trois communes de Kadutu, de Bagira et d’Ibanda, les principales institutions provinciales étant localisées dans cette dernière, un circuit de transport public s’organise afin de faciliter l’accès au centre ville des personnes et des biens. Cependant, l’organisation du transport public des personnes dans la ville laisse à désirer.
Nous sommes à la Place dite ''Carrefour'' en commune de Kadutu, lieu de partance des bus amenant les gens à Nyawera et à Nguba dans la commune d’Ibanda. Une file des minibus rangés selon l’ordre de réception des usagers est remarquable ; nous décidons de prendre place au sein de l’un d’entre eux. Dix-huit places y sont disponibles selon les quatre sièges y installés en plus de deux places à côté du conducteur. Après avoir tenté en vain d’occuper les sièges à quatre places situés derrière le conducteur, l’on nous signale de nous placer au siège avant. Ce n’est pas parce que nous sommes des clients potentiels car nous tous payons le même ticket, seulement parce que la hauteur du bus ainsi que l’espace entre deux sièges ne sont pas proportionnels à notre taille. Ceux qui y sont assis restent immobilisés pendant  tout le trajet selon que l’une des quatre personnes assises sur le même siège soit de taille un peu plus supérieure ou qu’elles soient obligées de partager cette minime place avec le convoyeur du minibus; parfois on signale au conducteur qu’il doit s’arrêter un instant car l’un des passagers attrape une crampe. D’autres se heurtent la tête contre le fond du minibus à la traversée imprévue des dos d’ânes et fossés créés par le mauvais état de certaines parties de la route. Je remarque, depuis que le véhicule a démarré, un bidon jaune déposé à côté du levier de vitesse. Quelle ne fut ma stupéfaction lorsqu’arrivé à la station, pour s’approvisionner en carburant, le conducteur retira le bidon afin qu’on y verse de l’essence. C’était en fait le réservoir du véhicule et non pas un bidon de lait pour servir aux gentils passagers. On doit, tout au long du parcours, supporter l’air mélangé à l’odeur de l’essence avec le risque d’attraper une migraine avant l’arrivée à destination.
Tous les ingrédients pour produire un accident de circulation sont au rendez-vous. Si le klaxon fonctionne bien, c’est le démarreur qui présente des défauts. Conséquence, à chaque arrêt pour déposer ou prendre un passager, il faut solliciter de l’aide aux passants pour pousser le véhicule afin d’activer un mécanisme aussi très compliqué de démarrage. On peut facilement être retardé de quelques minutes parce que le moteur cède, parce que les clignotants ne fonctionnent pas quand il faut signaler à un autre véhicule le sens pris ; on peut frôler un accident parce que les rétroviseurs ne sont plus bien fixés, sont absents ou parce que le système de freinage est désintégré. Les malades cardiaques peuvent rechuter en un instant suite au ronronnement du moteur qui produit un bruit à plusieurs décibels, pareil à celui d'un hélicoptère.  Et à la fin, il n’y a pas de plainte à formuler, ni au conducteur, ni à son convoyeur. Parfois leur réponse se trouve apposée, en langue swahili, sur un autocollant situé au pare-brise : « Kama uko haraka, shuka ukimbiye », « Kama utasema mingi, nunua ya kwako » avec une traduction approximative en français « Si tu es pressé, tu peux descendre et courir », « Si tu te plains, achètes-toi un (véhicule) ». On ne peut pas non plus se plaindre devant les policiers de roulage ; ils n’arrêtent ces véhicules que pour des formalités superficielles au lieu de vérifier l’état du véhicule. Les autres axes urbains ne sont pas exemptés de ce constat ; nos sources renseignent qu’on peut toucher le sol à partir des ouvertures créées par la vétusté des bus empruntant l’axe Essence-Panzi. On peut, par mauvais état de la route, trouver refuge dans un minibus et contracter un rhume à l’arrivée suite à l’entrée facile de la poussière ; on peut s’habiller décemment et, si un morceau de fer n’a pas déchiré l'habit, on risque d'arriver à destination étant plein de boue. Une voiture peut transporter huit personnes en plus du conducteur, dans l’axe Place de l’indépendance-Hôpital Dr RAU, contrairement aux quatre prévues. Ces fais s’inscrivent dans une pratique contraire à la règlementation routière selon la loi n°78/022 du 30 août 1978 portant Nouveau code de la route telle que modifiée en 2004 et selon le droit de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), notamment son Acte uniforme traitant des transports des personnes et des biens.
Quelqu’un qui n’a  pas encore fait usage de ce fameux moyen de transport ne comprendrait facilement cette version des faits que si on le lui dit image à l’appui. Le taux des victimes des accidents de la route n’a pas cessé de croître ces dernières années. Les vieilles personnes et les enfants sont les plus touchés.
Intérieur d'un minibus, avec un bidon en plastique comme réservoir d'essence,
reliant la Place Carrefour à la Place Munzihirhwa (Image Emmak - Février 2014)
Les populations lancent un cri d’alarme aux autorités en vue de pallier à cette situation qui du reste n’est pas récente. Elles demandent aux policiers de roulage de procéder aux vérifications des documents de contrôle technique et de transférer les cas de non-conformité aux autorités compétentes pour des sanctions consistantes. Pour emprunter les termes de la loi portant nouveau code de la route, « Faut-il faire des efforts pour contrecarrer les maladies  et les épidémies, mais tolérer des massacres sur les autoroutes ? »
Les efforts des autorités urbains devraient s’orienter également vers ce secteur presqu’abandonné aux privés qui y imposent leur loi. Construire des infrastructures routières est positif, faut-il encore prévenir des accidents.

Par Emmanuel AKUZWE BIGOSI

1 commentaire:

  1. Suivez la vidéo correspondante à l'image publiée dans cet article sur notre chaîne You Tube.
    https://www.youtube.com/watch?v=x93aQWO1y34&feature=youtu.be

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